Nelly LORDEMUS
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“Ce qui différencie Emmaüs habitat, c’est ce supplément d’âme de l’Abbé Pierre”
Nelly LORDEMUS
Directrice générale d’Emmaüs Habitat de 2001 à 2017

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“Ce qui différencie Emmaüs habitat, c’est ce supplément d’âme de l’Abbé Pierre”
Nelly LORDEMUS
Directrice générale d’Emmaüs Habitat de 2001 à 2017

Après un début de carrière dans divers organismes HLM, Nelly Lordemus a intégré Emmaüs Habitat en 2001. Durant plus de 15 ans, elle a dirigé l’entreprise sociale, guidée par les valeurs de l’Abbé Pierre.

“Ce qui différencie Emmaüs habitat d’un autre bailleur, c’est ce supplément d’âme de l’Abbé Pierre. Pour moi, la vocation de notre organisme HLM n’était pas de se constituer un bas de laine financier, mais de veiller à bien entretenir son patrimoine, à construire des logements et à répondre aux attentes des personnes et des familles les plus modestes et plus démunies. J’ai passé à Emmaüs Habitat les meilleures années de ma vie professionnelle, même si c’était loin d’être gagné au départ ! Quand j’ai intégré la société, elle faisait face à d’importantes difficultés financières et avait un retard considérable sur l’entretien du patrimoine et sur l’expertise métiers. J’ai alors poursuivi et accéléré le redressement de la société engagé par mon prédécesseur et ami Jacques Oudot.”

“Une osmose parfaite entre anciens et nouveaux collaborateurs”

“La mission que je me suis donnée, en référence aux valeurs portées par l’Abbé Pierre, était de veiller à l’équilibre entre l’économique et le social, de leur accorder la même valeur et de ne pas sacrifier l’un au bénéfice de l’autre. J’ai été soutenue en cela par l’adhésion sans réserve et avec l’enthousiasme des collaborateurs d’Emmaüs Habitat. Nous avions besoin de moyens pour entretenir notre patrimoine et construire de nouveaux logements, mais il ne fallait surtout pas oublier l’accueil et l’accompagnement des populations logées, si chers à l’Abbé. Entre 2001 et 2017, l’offre de logement a été portée de 9 000 à un peu moins de 15 000 logements, ce qui était notre point de mire.”

“En 2003, Emmaüs HLM est devenu Emmaüs Habitat. Les finances ont été rigoureusement maîtrisées, des subventions et autres aides financières largement mobilisées. Nos outils professionnels se sont modernisés. Ce plan de charges à marche forcée est le résultat d’une mobilisation collective, grâce à une osmose parfaite entre anciens et nouveaux collaborateurs. Cela a grandement facilité ma connaissance de l’entreprise, et je ne remercierai jamais assez le conseil d’administration de m’avoir fait confiance dans cette période de remise à niveau.”

“Il y avait un vrai sentiment d’appartenance aux valeurs de l’Abbé Pierre”

Nelly Lordemus porte un regard nostalgique sur ces années professionnelles et notamment sur l’équipe qui l’entourait. “À mon arrivée, le climat social était tout sauf serein. Et puis on a appris à se connaître, à travailler ensemble dans un rapport de confiance et une transparence totale. J’ai été entourée d’une équipe de direction performante, citons : Elisabeth aux finances, Isabelle aux RH, Francis au secrétariat général, René et Clément au patrimoine et enfin Delphine à la cohésion sociale. Avec aussi des collaborateurs engagés au quotidien, ne ménageant ni leur temps, ni leur peine, comme Fanny, Anne, Djelloul, Lassaad, Nathalie, Boualem, Mohammed et tous ceux que je ne peux citer sauf à annexer l’annuaire de 2016… Nous avons bataillé pour retrouver la reconnaissance et la satisfaction de nos locataires et de nos élus, sans lesquels nous ne pouvions pas faire notre métier.
Ma porte était toujours ouverte à tous, et nous étions tous animés par l’envie de faire avancer la boutique.”

“Il y avait un vrai sentiment d’appartenance aux valeurs de l’Abbé Pierre. Son message suffisait à nous réunir, à nous faire comprendre ce qu’il fallait faire. Sa présence nous tirait vers le haut. Il venait chaque année jusqu’en 2007 partager notre repas de Noël et le personnel attendait ce moment avec impatience. Il était accueilli comme une rock star ! Les salariés étaient très attachés à la personne et à son message, quelles que soient leurs origines ou leur religion. Cet homme dégageait quelque chose, qui me touchait, sans savoir comment ni pourquoi. Chaque décision que nous avons prise l’a été au regard de ses engagements.”

“La cohésion sociale a été une valeur très forte”

En 2010, la directrice générale développe une Direction des politiques sociales avec l’arrivée de Delphine Depaix. L’objectif : identifier, comprendre, accueillir et accompagner les résidents et les nouveaux entrants en difficulté. “La cohésion sociale a été une valeur très forte pour prendre en considération le public et ses besoins. Richard et les autres collaborateurs aux côtés de Delphine ont mouillé leur chemise pour faire vivre cette direction au mieux des attentes des publics concernés. On ne pouvait pas ne pas prendre en charge ces problématiques ! On a prouvé qu’on pouvait répondre présents sous toutes les formes et dans tous les domaines à l’attente des habitants. On a aussi voulu démontrer que l’on pouvait loger dans le parc social des personnes vivant dans la rue depuis de nombreuses années, à condition d’être humainement à leur écoute, les respecter dans leur parcours et les accompagner avec le concours d’associations qualifiées pour qu’elles retrouvent confiance et dignité.”

“Je pense notamment à une dame âgée qui vivait depuis 10 ans dans les sous-sols de la Défense. Son cas avait été évoqué au journal télévisé, une info parmi d’autres mais… Il fallait qu’on bouge ! Delphine a pris contact avec la maraude, mobilisé des associations. Son équipe l’a logé et a meublé son logement. La réaction de cette femme nous a ému lorsqu’on lui a dit qu’on voulait la filmer dans son nouveau logement. Elle a dit : “Mais alors, je dois aller chez le coiffeur !” C’est ça la résilience… On a tous adoré et plus encore !“

“On a su accompagner les habitants dans les opérations de réhabilitation”

Les réhabilitations ont été des moments forts de ces 15 années. “Dans l’important programme de rénovation urbaine que nous avons réalisé, nous avons été largement récompensés par la satisfaction exprimée par beaucoup de nos habitants et d’associations de locataires avec lesquels nous avons co-construits les programmes. Je pense notamment au Blanc-Mesnil ou à Saint-Ouen-l’Aumône, avec Robert Rice. Nous menions de grandes réunions avec les collectivités locales, le préfet, le public des résidences pour accompagner ces projets. J’adorais être au contact des habitants !”

“Les collaborateurs avec les maitres d’œuvre ont réalisé de beaux ensembles dans des budgets maîtrisés, et on a su accompagner les habitants dans ces opérations de réhabilitation. Les agences locales, jusque-là peu impliquées dans nos actions de cohésion sociale, ont commencé à tisser des liens et à comprendre en quoi elles étaient complémentaires. Une autre chance d’Emmaüs Habitat a été son équipe de gardiennage de très grande qualité.”

“J’ai appris à ne plus avoir peur de la pauvreté”

De ces années de direction générale, Nelly Lordemus retient la bienveillance et l’humanité.
“Emmaüs Habitat m’a appris à accepter l’autre dans sa différence. Diriger cette entreprise n’a pas été facile, mais ça m’a permis de donner du sens à une activité professionnelle où j’étais auparavant le plus souvent confrontée à la priorité des exigences économiques au détriment des exigences sociales. Le mouvement Emmaüs dans sa globalité, et surtout avec l’action remarquable menée au travers des communautés, m’a appris à ne pas me laisser culpabiliser vis-à-vis de ceux que la vie a laissés sur le bas-côté. Nous appartenons à la même humanité et il faut agir pour tenter de corriger les écarts. J’ai appris à ne plus craindre la pauvreté.”

“Emmaüs Habitat a été une belle expérience, très enrichissante, parfois difficile, mais humainement forte. Je suis très fière du chemin parcouru et des résultats obtenus avec tous les collaborateurs de la maison Emmaüs Habitat, des directeurs aux gardiens et agents d’entretien, en passant par les représentants syndicaux. Ce fut le résultat d’un travail collectif engagé et je ne regrette pas d’avoir partagé avec eux 15 ans de ma vie. Merci à tous !”